Un grand poète nous a quitté:
Jean-Claude Xuereb.
Né
à Birmandreis, le 1er octobre 1930, Jean-Claude Xuereb, de père maltais et de
mère minorquine, fait ses études au lycée Emile-Félix Gautier à Alger. A l'âge
de dix huit ans, il croise Camus aux rencontres de Sidi Madani, rencontres qui
rassemblent le gotha intellectuel métropolitain mais aussi d'Algérie. En effet,
lors de ces rencontres oubliées aujourd'hui, Michel Leiris, Jean Cayrol,
Francis Ponge ont fait le déplacement de France pour échanger avec Mohamed Dib,
Emmanuel Roblès, Louis Benisti... et bien d'autres poètes et artistes. En 1951, J.-Cl Xuereb fait la connaissance
sur les bancs de la faculté de droit d'Alger de Jamil Eddine Bencheikh, -poète,
professeur d'université, traducteur des Mille
et Une Nuits- avec qui il crée une revue de poésie Les feuilles volantes.
Si,
ses études de droit achevées, il s'éloigne un temps de la poésie pour se
consacrer à sa carrière de magistrat, sa nomination dans le Vaucluse l'amènera
à rencontrer René Char avec qui il se lie d'amitié. Il mènera alors
parallèlement sa carrière de juge pour enfants et de poète puisque dès 1970,
les éditions Rougerie publient son premier recueil, Marches du Temps. C'est le début d'une longue collaboration entre
l'éditeur et le poète, puisque treize recueils suivront, le dernier en date de
2016.
Après
avoir pris sa retraite, il coordonne en 1995, la publication d'un numéro Hors
Série de la revue Sud, ,numéro
intitulé "Algérie, l'exil intérieur". Le recueil s'ouvre sur des textes
de deux poètes assassinés lors de la décennie noire, Tahar Djaout et Youssef
Sebti. Suivent Jules Roy qui donna un écrit sur Audisio, Jean Pélegri, Mohamed
Dib, Jamel Eddine Bencheikh.... C'est lors de la présentation de ce recueil au
Centre International de Poésie de Marseille (CIPM) à la Vieille Charité en ocobre
1995 que j'eus l'honneur de faire sa connaissance. Intimidé par cette
personnalité, je me présentais, poète débutant et "Pieds Noirs". Il
m'accueillit avec bienveillance; ce fut le début d'une relation amicale.
J'étais alors administrateur du CDHA et je convainquis le président de
l'époque, René Mathey, d'inviter J.-Cl Xuereb à une lecture de ses poèmes au
CDHA; j'avais invité aussi Salima Aït Mohamed, journaliste et poétesse
algérienne qui fuyait le FIS et qui avait connu Tahar Djaout. Ce fut une soirée inoubliable! En 1998, J.-CL Xuereb
publia un nouveau recueil chez Rougerie, Pouvoirs
des clés et coordonna un ensemble de textes poétiques consacrés à des
écrivains maltais, recueil, dont le titre Souffles
est un hymne méditerranéen. Je me permettais de faire des recensions de ces
deux ouvrages qui parurent dans le numéro 9 de Mémoire Vive. Il m'en remercia chaleureusement. Puis-je préciser
que dans Pouvoirs des clés, il me
dédia un poème, "Mémoire d'un séisme, 0ran, 1790". Je lui en suis
éternellement reconnaissant.
A
partir de l'an 2000, il participe à la préparation et à l'animation des Rencontres Méditerranéennes de Lourmarin.
En 2002, le thème des Rencontres étant Camus,
Audisio, Roblès, frères de soleil, leurs combats, il me demanda une contribution et j'intervins
sur Audisio "Grand prix littéraire de l'Algérie, histoire d'un
malentendu?" A mes côtés, Lucienne Martini, également administratrice du
CDHA, interviendra sur Emmanuel Roblès. Ce furent de belles rencontres où
Frédéric-Jacques Temple côtoya le professeur d'université Guy Dugas, le poète
Georges-Emmanuel Clancier et l'immense Edmond Charlot qui, bien qu'âgé fit le
déplacement depuis Pézenas.
A
partir de cette date, les publications s'espacent, trois recueils en neuf ans.
Nous nous retrouvons dans une librairie marseillaise lors de la présentation de
son recueil Le désir et l'instant.
C'est
alors que les épreuves que chacun d'entre nous avons traversées, mon départ de
Provence, nous ont séparés.
De
retour en Vaucluse, je m'apprêtais à renouer avec lui, lorsque j'appris son
décès survenu il y a une quinzaine de jours.
Le
CDHA possède plusieurs de ses recueils. J'avais fait don, il y a quelques
années de la correspondance que j'avais entretenue avec lui; sachant que je me
rendais régulièrement aux ANOM, il me demanda parfois des renseignements, entre
autres sur les Rencontres de Sidi Madani.
Il
laisse une œuvre conséquente, 17 recueils de poèmes, des collaborations à
plusieurs revues, Sud, Souffles, Esprit,
Friches, Europe... mais aussi nombre de rapports juridiques concernant la
défense des mineurs, cause dans laquelle il s'était engagé très tôt.
Que
l'on me permette d'achever cet article par quatre vers extraits de la première
page de Redoute [1]
"Né
rue de la liberté à la Redoute
étranger
devenu au lieu de sa naissance
ici
se veut vibrante fusion d'un ailleurs
où
passé et futur parleraient au présent"
Gérard Crespo
[1] Redoute,
banlieue autrefois villageoise, située sur les hauteurs au sud est d'Alger, entre le chemin des Crêtes et le
Ravin de la femme sauvage.
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