dimanche 1 février 2015

Zemmour et Boumedienne

La polématique médiatique autour d'Eric Zemmour étant quelque peu retombée, j'en profite, loin des passions suscitées par ses paroles pour revenir sur certains propos afin de les réinscrire dans l'Histoire.
Il semblerait donc, que tout au moins implicitement, le polémiste n'aurait pas écarté l'idée d'un déplacement de population, en rappelant "qu'en 1940, personne n'aurait pensé que vingt ans plus tard, un million de Français d'Algérie seraient contraints de quitter le sol sur lequel ils étaient nés".
Devant la levée de boucliers de censeurs dont nombreux sont issus de la gauche moralisatrice et bien pensante, je me permettrai de rappeler ces faits.
Quelques années avant qu'Hitler eût commencé la déportation des Juifs et des Tsiganes, Staline organisait le déplacement de centaines de milliers de personnes au sein de l'immense URSS; il poursuivit tout aussi consciencieusement ces déplacements après 1945.
D'autre part au lendemain de la seconde guerre mondiale, des centaines de milliers d'Allemands résidant en Europe de l'Est ou en Europe Centrale furent contraints de  quitter les régions où  ils habitaint pour rejoindre le territoire de la nouvelle  RFA. C'est ainsi que les  Allemands de Prusse Orientale installés là depuis des siècles se retrouvèrent sur les rives du Rhin par exemple.
Entre 1947 et 1962, ce fut le lent cortège vers l'Europe des Hollandais d'Indonésie, d'Indochinois fuyant le  communisme, de Français d'Afrique du Nord,  de  Belges du Congo. Mais  c'étaient bien évidemment d'affreux colons, exploiteurs et impérialistes, ils n'avaient que ce qu'ils méritaient. Point de compassion!
Cet exode des colonies connut un nouveau pic en 1975 avec le départ précipité, la peur au ventre et une valise dans  chaque main de 500 000 portugais fuyant l'Agola, le Mozambique la Guinée Bissau et le  Cap Vert.
Mais cette année 1975 connut un autre déplacement massif de population totalement oublié. 
Le 18 décembre, 45 000 familles marocaines, soit environ 350 000 personnes furent expulsées en 48 heures d'Algérie, sur ordre du président de la république d'alors, Houri Boumedienne. Celui ci avait auparavant pris conseil auprès de son ministre des Affaires Etrangères, un certain Abdelaziz Bouteflika!
La chasse à l'homme des Marocains avait commencé dix jours auparavant. Nombreux furent rassemblés et engouffrés dans des camions qui les dirigèrent vers la  frontière. Ceux qui étaient encore chez eux le 18 décembre furent expulsés sans  ménagement, alors que c'ètait l'Aïd el Kébir. Les couples mixtes furent séparés. Des pères ou des mères furent séparés de leurs enfants. Les biens des Marocains furent confisqués. Leurs avoirs bancaires furent bloqués. Pourtant certains d'entre eux avaient soutenu leurs frères algériens dans la lutte pour l'indépendance. Nombre d'entre eux étaient  nés en Algérie! Ironie de l'histoire, ceux là avaient la possibilité de demander la  nationalité française!
Les déplacements de populaation se poursuivirent après 1975 ailleurs dans le monde; Bosniaques fuyant les massacres en Croatie ou en Serbie, populations de l'Afrique Equatoriale errant en quête de paix... Plus récemment des milliers de Chrétiens d'Orient sont contraints à l'exil
Il semble bien que le concept de déplacement de populations soit inscrit dans l'histoire de l'humanité.

samedi 31 janvier 2015

Chuchill et Mers el Kébir

Cet article sera bref.
Mais je ne peux m'empêcher de réagir aux informations incomplètes véhiculées  par les médias. Depuis deux jours à la télévision, on nous ressasse la grandeur de l'homme,  Churchill, le "Vainqueur de la  Deuxième  Guere  Mondiale". Loin de moi l'idée  de  contester la valeur du Premier  Ministre qui sut insufler  à son peuple le  courage et la  détermination nécessaires pour lutter contre le  Nazisme.
Quant à moi, j'aurai une pensée pour les 1297 marins français morts dans  la  rade de Mers el  Kébir le  3 juillet 1940 après  que ce même Churchill eût ordonné la  destruction de la flotte française, qui, à quai, n'eut pas les moyens de combattre. L'aurait-elle  fait? J'en doute, tant il est acquis qu'une grande majorité de l'armée française était  alors germanophobe.
Ces marins  français morts pour la France subirent en outre une humiliation, puisqu'enterrés à Mers el  Kébir, le  cimetière fut profané en 2004!
In Memoriam! 

lundi 19 janvier 2015

Soumission, Houellebecq, l'Islam et Gabriel Audisio.

Ces derniers  jours, Soumission, le  dernier livre de Michel Houellebecq a fait couler beaucoup d'encre. L'auteur a été accusé de mettre de l'huile  sur  le feu, eu égard au  fait que la sortie du livre coïncidait avec  les attentats contre Charlie Hebdo et l'épicerie Casher de Vincennes.
Il s'avère que l'ouvrage reçoit un accueil triomphal en Allemagne où 100 000 exemplaires ont été vendus en une semaine et qu'un nouveau tirage de 50 000 exemplaires est prévu.
Je ne parlerais pas de Soumission, ne l'ayant pas lu. Je retiens toutefois que l'auteur prévoit dans sa fiction qu'en 2022 la  France élit un président de la république musulman; d'où Tollé chez nos bien pensants!
Ce scénario m'a rappelé celui d'un autre ouvrage tombé dans  l'oubli.
En 1925, un jeune écrivain français -lui aussi oublié- Gabriel Audisio, publiait un roman, Trois hommes et un minaret.
L'oeuvre est une fable originale et truculente que  je me permets de vous narrer brièvement. Un Elu arrivant au Paradis est prié par Saint Pierre de raconter ce qui se passe sur la Terre. Venant de France, l'Elu raconte les bouleversements que son pays a vécus. La France s'est vu contrainte de faire appel à de nombreux étrangers pour réparer ses forces -nous sommes, il convient de le rappeler au lendemain de la première Guerre Mondiale- pour assurer la continuité de sa race et mettre à execution un vaste programme de travaux publics. Des racoleurs sillonnent les villes et les campagnes d'Algérie et de nombreux Musulmans s'embarquent pour Marseille d'où ils gagnent Paris. Confronté à l'arrivée sans cesse croissante de nombreux immigrés, le Gouvernement Français dans sa grande générosité conçoit le projet d'édifier en plein coeur de la capitale un Collège Pan Mahométan. Sitôt construit le Collège attira, outre les Musulmans de France, une population hétéroclite composée de "Jeunes Turcs, de Marocains, de Syriens...que leurs pères envoyaient en Occident pour en faire des Musulmans d'élite". Mais bien vite le Collège -qui attire également des touristes et des Parisiens friands d'Orientalisme- révèle un pouvoir magnétique jusqu'alors insoupçonné, surtout le Vendredi, lors de l'appel à la prière. Une foule nombreuse se dirige vers la mosquée du Collège, musulmans évidemment mais aussi chrétiens et mécréants. Ainsi, un voisin, Tristan Lerâle, libre penseur de son état qui assiste à la scène de son balcon, invite passants et amis et juge tout cela "sacré, noble et poétique". D'autre part, le Mufti, homme d'une grande séduction, au regard de braise, séduit Olga une  jeune femme entretenue par un riche négociant bedonnant. Le même jour, le Mufti reçoit la visite  de l'épicière désireuse de lui offrir ses charmes, mais ne la jugeant pas digne de lui octroyer ses faveurs, il la met d'autorité dans les bras de son serviteur. Le libre penseur Tristan Lerâle se convertit à l'Islam et va jusqu'à se faire circoncire par son médecin. Impressionné, le Mufti proclame Lerâle Sultan. Au terme de cette folle journée, l'intrigue bascule dans la démesure. Sous l'influence conjointe des trois hommes, le Mufti devenu "Mufti des Gaules", son serviteur promu "Emir des Armées" et le Sultan, Paris devient musulman. Puis la France devient "la fille cadette de l'Islam". Au Paradis, Nostradamus annonce:"J'avais prédit les faits!". Les pays voisins redoutent la France. Ils ont déroulé sur leurs frontières des cordons sanitaires afin d'empêcher les prosélytes de faire des adeptes chez eux. La France connaît une  mutation économique sans précédent: fin de l'élevage porcin, mévente des vins, fin des spéculations boursières...
A ce stade du récit, Saint Pierre était fort chagriné.
Heureusement,"un nouveau Chales Martel se lève en la personne de Célestin Bobon, pharmacien à Sisteron qui fonde une société secrète, le Fodouk des Marseillais, fomente un soulèvement, rétablit la Bourse et l'élevage porcin, et boute l'envahisseur hors  de France".
Le roman connut des fortunes diverses; après avoir reçu un prix  littéraire, il tomba dans l'oubli, à tel point qu'Albert Memmi dans son Anthologie des écrivains francophones d'Afrique du Nord, cite Audisio, parle de son oeuvre, mais mentionne juste Trois hommes et un minaret dans la biblioggraphie. Il en est de même de Louis Brauquier qui dans Les Cahiers du Sud, n° 20 consacré à Audisio, rappelle leur profonde amitié, loue le  poète, mais oublie de mentionner ce roman.
L'ouvrage a toutefois  été réédité il y a  quelques années chez l'Harmattan.
Quant à Gabriel Audisio, qui s'est longtemps partagé entre la France et l'Algérie, qui a bien connu et vraisemblablement influencé Camus, il est décédé en 1978 à Yssy les Moulineaux.    

Nota: l'intégralité de mon article a été publié dans l'ouvrage Camus, Audisio, Roblès, frères de soleil, éditions Edisud, 2003.

samedi 27 décembre 2014

Du discours de Carthage à l'élection de Beji Caïb Essebsi

Le 31 juillet 1954, Pierre Mendès France, alors Président du Conseil, prononçait le célèbre discours de Carthage qui ouvrait la porte à l'indépendance de la  Tunisie et du Maroc.
Quelques jours plus tôt, le 20 juillet, les accords de Genève -consécutivement au désastre de Dien Bien Phû survenu le 7 mai- octroyait l'indépendance à toute la  péninsule indochinoise et trois états nouveaux naissaient, le Viet Nam, le Laos et le  Cambodge.
L'Empire Français, ou plutôt l'Union Française s'effritait.
Le 4 août, de violentes émeutes éclataient au Maroc, les manifestants revendiquant entre autre le retour du Sultan que la  France avait exilé.
Par contre en Tunisie, Bourguiba appelait à cesser les hostilités contre les intérêts français.
Le 1er novembre en Algérie, survenaient les attentats de la  Toussaint Rouge, qui firent l'objet du premier article de mon blog. Le 12 novembre, François Mitterrand, ministre de l'Intérieur de Pierre Mendès France déclarait la guerre au F.L.N. et proclamait que "l'Algérie, c'était la  France". Est-ce pour cela que la Gauche française s'est depuis engagée dans une politique de repentance, afin de  faire oublier la politique qu'elle mena en Algérie au moins jusqu'en 1958?
En Tunisie, la voie vers l'indépendance à laquelle elle accéda le 20 mars 1956 était toute tracée.
Lamine Bey fut le dernier souverain et fut déposé par Habib Bourguiba qui exerça un pouvoir autoritaire durant trente années. Le "vieux lion" viellissant et fatigué fut à son tour déposé par Zine el Abidine Ben Ali qui exerça lui aussi vingt quatre années durant un pouvoir autoritaire avant d'être contraint à l'exil en janvier 2011 par "la révolution de jasmin". Les trois années qui suivirent furent quelque peu chaotiques, comme tous les lendemains de révolutions.  Il y a quelques jours Beji Caïd Essebsi a été démocratiquement élu, semble-t-il. Essebsi avait 28 ans lors du discours de Carthage et faisait alors partie de la garde rapprochée de Bourguiba.
Il aura donc fallu soixante années pour que la Tunisie accède au statut de pays démocratique. Hier, sur une chaîne de télévision, l'écrivain algérien Boualem Sansal affirmait qu'aucun pays arabe n'avait encore accédé à l'état de droit. Certes, l'Algérie, soixante ans après la  Toussaint Rouge et cinquante deux ans après son accession à l'indépendance est toujours sous la férule autoritaire du F.L.N. qu'une Gauche française a encensé, oserai-je affirmer que, si elle ne  l'encense pas, du moins ne condamne-t-elle pas ce régime antidémocratique.
Que dire du Maroc et des espérances qu'avait suscitée l'accession au trône de Mohamed VI ?
Que dire de la Lybie indépendante depuis soixante trois ans? Quant à l'Egypte...
Mais peut-être doit-on une nouvelle fois accuser le colonialisme  de tous les maux et d'avoir engendré des dictatures?
Puis-je affirmer qu'en Tunisie, Essebsi, c'est le changement dans la continuité?
Mais, objectivement, je me dois de souhaiter à la Tunisie nouvelle de réussir son entrée dans la voie démocratique et d'être un exemple pour le Maghreb.

vendredi 26 décembre 2014

anniversaires et commémorations (suite)

L'année 1944 est fertile en événements qu'on aurait pu commémorer avec faste.
Rappelons ainsi "la Conférence de Brazzaville" qui s'est tenue du 30 janvier au 8 février. Et profitons en pour citer des extraits du discours de de Gaulle: " Nous lisons de temps à autre que cette guerre doit se terminer par ce qu'on appelle un affranchissement des peuples coloniaux. Dans la France coloniale, il n'y a ni peuple à affranchir ni discrimination raciale à abolir.  Il y a des populations qui se sentent françaises...Il y a des populations qui se sentent françaises et que nous entendons conduire par étapes à la personnalité, pour les plus mûres aux franchises politiques, mais qui n'entendent connaître d'autre indépendance que l'indépendance de la France... les fins de l'oeuvre de civilisation accomplie par le France dans les colonies écartent toute idée d'autonomie, toute idée d'évolution hors du bloc français de l'Empire; la constitution éventuelle -même lointaine- de self government dans les colonies est à écarter".
Le grand homme manquait quelque peu de vision à long terme; d'autant que quelques jours plus tôt, alors qu'a été présenté à Marrakech par les nationalistes marocains le Manifeste de l'Istiqlal, de Gaulle dépêche immédiatement à Rabat, René Massigli commissaires aux Affaires Etrangères du CFLN pour contraindre le  Sultan qui a cautionné le texte de retirer les termes d'indépendance et de nation marocaine.

mardi 23 décembre 2014

Anniversaires et commémorations (suite)

Dans mon article précédent, j'avais signalé combien 2014 était une année à commémorations. D'aucun aurait pu me reprocher d'avoir omis 1914, le centenaire du déclenchement de la première guerre mondiale et son impact au Magrheb. Je renverrai le lecteur à mon article "Alger pendant la Grande Guerre" paru dans Alger, 1860-1939" chez Autrement en 1999.

Je choisirai de  mettre l'accent sur le rôle de l'Armée d'Afrique. 300 000 soldats de cette armée ont été engagés dans ce conflit, 190 000 Indigènes et 110 000 Français. Dans chaque cas, les pertes s'élèveront à un cinquième de l'effectif. Ces troupes sont confrontées à des combats d'une extrrême vioence dès les débuts des combats. Le 22 août, sur laa Sambre le 2ème Zouaves perd 1 000 hommes. Sur la  Marne, trois divisions de l'Armée d'Afrique sont engagées. Le 5 septembre, les Chasseurs de la Brigade Marocaine perdent un millier d'hommes dont 9 officiers. Sur l'Ourcq, le jour de la mort de Charles Péguy, le lieutenant Alphonse Juin -futur maréchal de France- à la tête d'un régiment de Chasseurs est grièvement blessé à quelques centaines de mètres du poète. Lors de la bataille de la Marne, le tribut de la Brigade Marocaine est lourd; des 5 000 hommes, il n'en reste que 700 qui seront incorporés dans le 1er Tirailleurs Marocains afin de reconstituer un régiment; celui-ci aura l'honneur de porter sur son drapeau, l'inscription "la Marne". Parmi les survivants de la Brigade Marocaine, un nom mérite d'être cité, celui de Gouraud qui sera au lendemain de la guerre Haut Commissaire de la République au Levant. 1914 s'achève avec des combats sur l'Yser et à Ypres où s'illustrent les Zouaves.

Je n'irai pas plus loin dans les exploits de ces régiments tout au long des quatre années de guerre car j'ai donné un long article s'intitulant "l'Histoire de l'Armée d'Afrique" à la revue interne de l'association Racine Pieds Noirs présidée par mon ami Christian Fenech, revue qui devrait paraître sous peu.

dimanche 21 décembre 2014

Anniversaires et commémorations

La France aime les anniversaires et les commémorations! 2014 y aurait dû être propice, mais la sélectivité de la mémoire est passée par là. Jugeons donc. 11 janvier 1944, parution du Manifeste de l'Istiqlal qui est présenté le lendemain à Marrakech à de Gaulle lors de sa rencontre avec Churchill. 30 janvier-8 février 1944, conférence de Brazzaville. 15 mars 1944, l'appellation "Empire Français" disparaît au profit de "l'Union Française", voilà qui aurait dû ravir nos anticolonialistes primaires toujours prompts à dénoncer l'impérialisme et lle colonialisme. 22 juillet 1944, fin de la Campagne d'Italie où s'illustrèrent les régiments de l'Armée d'Afrique -composée certes de 52% "d'Indigènes" pour reprendre une expression qui connut récemment son heure de gloire, et de 48% de Français d'Algérie du Maroc et de Tunisie- et où s'illustrèrent des chefs glorieux de ces régiments; citons au moins pour mémoire les généraux Juin et de Montsabert. Ces chefs et leurs soldats montrèrent leur bravoure l'année précédente lors d'une campagne oubliée, celle de Tunisie. Certes, le débarquement de Provence fut commémoré, mais qu'apprit-on réellement sur l'Armée d'Afrique? Voilà donc pour les soixante dixièmes anniversaires. L'année 1954 fut également fertile en événements dont on aurait pu commémorer les soixantièmes anniversaires. Le triste désastre de Dien Bien Phû. L'indépendance de la péninsule indochinoise. Le discours de Carthage de Pierre Mendès France. La Toussaint sanglante et ses victimes innocentes dont peut-être la plus emblématique fut ce jeune instituteur français fraîchement débarqué de Métropole pour alphabétiser et apporter la culture -impérialiste diront nos anticolonialistes primaires- à des enfants vivant dans le djebel. Mon propos sera donc au cours des jours qui suivent de rappeler certains faits oubliés, de mettre en exergue ceux que les médias ou certains confrères historiens occultent.